Discours de Florence Parly, ministre des Armées_Présentation du plan mixité
Mesdames et Messieurs,
Rome avait Mars, et Minerve. Un dieu de la guerre, une déesse de la guerre et de la stratégie guerrière. En un mot, Rome avait déjà son plan mixité.
Et qu’est-ce que la mixité ? La mixité, c’est d’abord un équilibre. C’est le reflet de notre société qui compte des femmes, et des hommes. C’est une ambition collective que nous portons aujourd’hui pour renforcer l’efficacité opérationnelle de nos armées. Car la sécurité est l’affaire de tous, et au XXIème siècle, nous ne pouvons plus nous priver de 50% des talents de la population. Nous avons besoin de toutes les volontés et de tous les engagements. Nous avons plus que jamais besoin de diversité pour continuer à avancer et à nous adapter à un champ de bataille dont, nous le savons, les règles changent chaque jour.
J’étais, il y a seulement deux jours, au large de Toulon, pour le départ en mission du Charles de Gaulle. Et lorsque je m’adresse aux 2000 femmes et hommes qui partent 5 mois au service de la protection des Français, je ne vois pas que des femmes, je ne vois pas que des hommes, je vois avant tout une même ferveur, une même détermination, un même engagement.
Et puisque je vous parle d’engagement et de détermination, j’aimerais rendre un hommage particulier à un commandant de l’armée de l’Air.
En 1999, Caroline Aigle devenait la première femme aux commandes d’un Mirage 2000. 99, c’était il y a 20 ans. Le souvenir que nous gardons de son parcours, c’est avant tout son courage, sa ténacité pour se faire une place dans un monde auquel il fallait prouver qu’un missile tiré par une femme a la même force et la même puissance qu’un missile tiré par un homme. Je pense aujourd’hui à Caroline Aigle, et, à travers elle, je pense à toutes celles qui se sont battues pour montrer qu’elles méritaient d’appartenir aux armées.
La pugnacité n’a ni genre, ni sexe. Et pour cela il suffit de se rappeler de notre histoire de France : si la France n’est pas devenue une province de l’Angleterre à l’issue de la guerre de Cent Ans, c’est bien grâce à une femme en armure. Nous devons aujourd’hui montrer à toutes et à tous, que chacune et chacun aura sa place.
Alors oui, nous avons une des armées les plus féminisées au monde, la 4ème pour être précise : près de 20% de nos sous-officiers sont des femmes, mais peu sont celles qui occupent les plus hauts postes de la hiérarchie. Je sais que des efforts ont été faits pour favoriser l’accès des femmes aux fonctions militaires et renforcer l’égalité entre sexes dans
les armées.
Mais il faut faire plus. Et notre plan d’action sera le plan mixité.
Alors je voudrais être claire d’emblée : il n’y aura pas de discrimination positive, il n’y aura pas de passe-droit. La sécurité des Français est en effet notre priorité absolue, l’outil militaire, c’est notre assurance-vie. Et on ne badine pas avec l’assurance-vie des Français. Chaque poste sera donc attribué au regard des compétences et des mérites.
Mais encore faut-il que ces compétences et ces mérites soient définis au regard des besoins et des enjeux actuels de nos armées et non d’une vision passée. Encore faut-il aussi, que nous allions chercher les compétences là où elles se trouvent, même si celles ou ceux qui les possèdent ne se voient pas spontanément rejoindre nos armées. Et encore faut-il que notre gestion des ressources humaines ne décourage pas celles et ceux qui ont choisi la carrière militaire.
Du recrutement à la gestion des parcours professionnels c’est donc l’ensemble de notre logiciel qui doit être changé.
Ce plan que nous vous présentons aujourd’hui, ce n’est pas le plan de la féminisation, mais celui d’une plus grande mixité. C’est un plan qui profitera à tous, dont les mesures profiteront à tous, hommes comme femmes, en veillant à ce que chacun trouve sa place au sein des armées. C’est un plan aussi qui profitera au Ministère puisque, en tous cas c’est son objectif, il lui permettra d’attirer les talents.
L’amirale Anne de Mazieux, ici présente, s’en est assurée en mettant son expérience au service de l’élaboration de 22 mesures, qui sont des mesures ambitieuses. Je tiens à lui adresser mes remerciements pour son travail, son implication sans faille et sa capacité à piloter les contributions de l’ensemble des armées, directions et services du ministère. Je tiens aussi à saluer les réflexions menées par le Parlement sur le sujet, et en particulier les députées Bérangère Couillard et Bénédicte Taurine qui ont publié un rapport de de très grande qualité sur la place des femmes dans les forces armées.
J’en viens donc à la présentation de ce plan mixité qui a été construit selon 3 objectifs simples : donner l’envie de s’engager dans les armées, donner l’envie d’y rester, et surtout montrer à toutes et à tous qu’il est possible d’y évoluer, de monter en grade et de prendre des responsabilités.
Tout d’abord, parce que la diversité est une force, nous allons élargir à toutes les formations et tous les profils le recrutement dans les écoles d’officiers.
Pour que chaque militaire se sente à sa place et puisse sentir qu’il est possible progresser dans nos armées, nous développerons ce que nous avons appelé le « mentorat », tout au long de la carrière.
Parce que s’absenter ne doit plus signifier reculer, chacune et chacun conservera toutes ses chances de monter en grade, même par exemple en cas de congé parental.
Parce que le talent ne faiblit pas avec les années, nous augmenterons de façon significative les limites d’âge pour les inscriptions aux concours et aux examens des écoles militaires.
Enfin, parce que ce plan ne doit pas être un plan de papier, nous désignerons des « référents mixité » à chaque niveau du ministère et des écoles de formation pour assurer la mise en oeuvre effective des mesures.
L’ensemble de ces mesures doit notamment aboutir à renforcer la part des femmes dans le haut encadrement militaire. D’ici 2022, nous avons pour objectif de porter à 10% la part des femmes parmi les officiers généraux, et grâce à la vigilance du Parlement, la loi de programmation militaire a prévu de doubler la part des femmes parmi les généraux d’ici 2025.
Rome ne s’est pas faite en un jour, et il faut 30 ans pour faire un général : ce qui veut dire que toutes ces mesures prendront du temps. Elles doivent aussi s’accompagner d’un changement des mentalités. Et cela passera par des mesures aussi symboliques qu’harmoniser l’ensemble des tenues des hommes et des femmes : les galons seront désormais visibles sur les coiffes des femmes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Ce plan est ambitieux, mais je sais que pourrai compter sur tous ceux et toutes celles qui m’entourent, pour le mettre en oeuvre.
Je vous remercie et je cède la parole à Geneviève Darrieussecq.